Le droit à l’aide à mourir : une avancée ou un risque pour nos libertés fondamentales ?
La question du droit à l’aide à mourir revient au cœur de l’actualité juridique et politique. Alors que les débats à l’Assemblée nationale débutent ce lundi 12 mai, et que le vote est prévu pour le 29 mai, la proposition de loi sur l’euthanasie et le suicide assisté fait l’objet de vifs débats. Ce texte, profondément lié aux libertés fondamentales, soulève à la fois des espoirs, des avancées, mais aussi de sérieuses préoccupations.
Une évolution rapide, mais à quel prix ?
Le 2 mai dernier, la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale a voté plusieurs amendements modifiant le projet initial. Depuis, le texte a évolué dans une direction que certains considèrent moins protectrice de certains droits essentiels.
Parallèlement, l’avis de la Haute Autorité de Santé (HAS), publié le 6 mai, souligne l’ambiguïté de certaines notions clés comme celle du “pronostic vital engagé à moyen terme” ou encore d’une “affection en phase avancée ou terminale”. La HAS insiste sur l’impossibilité de définir de manière uniforme un pronostic temporel applicable à toutes les situations individuelles. Une difficulté majeure qui devrait orienter les débats vers une nécessaire clarification du champ d’application.
Les avancées à saluer
Certaines modifications du texte vont néanmoins dans le bon sens.
1. La restriction des personnes autorisées à administrer la substance létale
Désormais, seules trois personnes peuvent intervenir : le patient lui-même (s’il en est capable), un médecin ou un infirmier. La possibilité qu’un proche désigné le fasse a été retirée. Cette exclusion vise à préserver les proches d’un poids émotionnel et moral considérable, et à éviter tout conflit éthique ou affectif.
2. L’exclusion des directives anticipées comme fondement d’une demande d’aide à mourir
Une demande exprimée des années auparavant, en dehors de la situation de fin de vie, ne garantit pas un consentement libre et éclairé. Le texte exige désormais que le consentement soit réitéré et pleinement conscient au moment de l’acte létal – une exigence essentielle en matière de respect de la dignité humaine.
Des zones d’ombre préoccupantes
Cependant, d’autres aspects du projet de loi suscitent de vives inquiétudes.
1. Un champ d’application élargi et flou
La version initiale du texte ciblait les personnes atteintes d’une affection grave, incurable et engageant le pronostic vital à court ou moyen terme. Aujourd’hui, il est simplement question d’une “affection en phase avancée ou terminale”, sans mention explicite du pronostic vital. Le terme « affection », par sa généralité, peut inclure maladies chroniques, psychiques, voire des séquelles d’accident, ouvrant ainsi la porte à des interprétations larges et potentiellement dangereuses.
2. Le consentement des personnes vulnérables
Comment s’assurer du caractère libre et éclairé du consentement d’un patient dont les facultés mentales sont altérées ? Cette question centrale touche à l’intégrité de la personne humaine et laisse craindre des dérives éthiques graves si des garde-fous clairs ne sont pas instaurés.
3. Le délit d’entrave à l’aide à mourir
Le texte prévoit une sanction pénale à l’encontre des soignants qui refuseraient d’administrer la substance létale. Cela pose un problème majeur en matière de liberté de conscience, droit fondamental reconnu aux professionnels de santé. Il est essentiel que cette liberté soit pleinement respectée, même dans un cadre législatif autorisant l’aide à mourir.
Une loi cruciale dans un contexte sanitaire dégradé
Dans un système de santé fragilisé, où les soins palliatifs sont encore trop peu accessibles, toute législation sur l’euthanasie ou le suicide assisté doit être abordée avec une extrême prudence. Il ne s’agit pas seulement de créer un nouveau droit : il faut veiller à ce que ce droit n’empiète pas sur d’autres libertés fondamentales, comme la liberté de conscience, le droit à la vie, ou encore la protection des personnes vulnérables.
Conclusion :
La légalisation du droit à l’aide à mourir doit être entourée de garanties juridiques strictes. Si l’intention de respecter la volonté de chacun face à la fin de vie est louable, elle ne peut se faire au détriment des principes éthiques et juridiques qui fondent notre société démocratique. La vigilance reste de mise, et les citoyens doivent être informés, pour que ce débat essentiel soit conduit en toute transparence.